- bouge
- Bouge, penac. Tantost est masculin, et signifie ce qui est comme renflé, et sortant en tumeur hors oeuvre platte. Ainsi l'on appelle le Bouge d'un bouclier, la bossette qui est au milieu d'iceluy, eslevée en rond, (de laquelle façon estoient les boucliers des Romains) Vmbo. Aussi est-il comme le nombril d'iceluy. Et le Bouge d'une chambre, le petit reduit qui est joignant la chambre et hors le mur d'icelle, qui ne merite le nom de garderobe. En aucuns lieux on appelle aussi Bouge la bouclure d'une muraille, qui se desment et se courbe, qu'on dit en Latin Ventrem facere, et en François Boucler. Et tantost est feminin, duquel le diminutif est Bougete, c'est à dire, une petite bouge. Et est un mot naïf Gaulois, comme dit Sext. Pompon. Festus, duquel les Gaulois appeloient ces petits sacs de cuir, que ceux qui alloient aux champs portoient pendants à leurs bras, (comme adjouste Nonius Marcellus) ausquels ils mettoient leurs petites besongnes, comme se peut comprendre de ce vers du 16. livre des Satyres de Lucilius, parlant d'un qui n'avoit nul equippage, Cui neque iumentum est, nec seruus, nec comes vllus, Bulgam et quicquid habet numorum, Secum habet ipse. Cum bulga coenat, dormit, lauat, omnis in vna, Spes hominis bulga, hac deuincta est caetera vita. L'usage de porter laquelle bouge, pendant au bras quand on alloit aux champs, estoit encores, n'y a pas long temps, en France. Et le mesme autheur au livre 26. appelle Bouge par metaphore, la matrice de la femme grosse, dans laquelle l'enfant à naistre est estuyé, comme dans un sachot ou bourse, Ita, dit-il, vt quisque nostrum e bulga est matris in lucem editus. A present on appelle bouges, ces deux gibbecieres de gros cuyr quarrées, entre-tenans ensemble par deux larges courroyes de cuyr, que les marchands allans aux champs portent pendants de l'arçon de derriere de la selle, lesquelles anciennement on appeloit Anforges. Et les gros estuits de gros cuyr, dans lesquels est portée sur un cheval, la vaisselle d'argent d'un grand Seigneur, qui va par les champs et en voyage. Esquelles diverses significations dudit mot Bouge, est tousjours retenuë la raison d'iceluy, qui est le renflage, esleveure et tuberosité de la chose portant ce mot, soit le Vmbo du bouclier, soit le petit reduit en saillie d'une chambre, soit le sac de cuyr porté en voyage, soit la bource, soit l'estuy à porter la vaisselle. Aussi l'Allemand dit Bog zum schiessen, pour un Arc, et den bogen spannen, pour tendre l'Arc, et frummen bogen, pour une voulte, qui est pour revenir à la mesme raison de la signification de Bouge. És protocoles de lettres de passage et saufconduit, il est escrit Voulge, et Vouge, qui est nom commun à l'arme, que les Veneurs portent à la chasse. Et par ce que les anciens y portoient aussi leur viatique d'argent contant (dont est és lettres de passage, et saufconduit cette clause ordinaire, males, bouges, bahus) les Latins mesmes, comme rapporte iceluy Non. Marcellus, appeloient jadis la bourse Bulga, c. Bouge, dont en demeure le proverbe en France, lequel y a cours par tout, Il a bien remply ses bouges, ce qu'on dit en autre maniere, Il a bien foncé le poignet, c. Il a bien gaigné et mis en serre de l'argent. Ce qui est maintefois usurpé en mauvaise part pour dire, Il a bien desrobé en sa charge, en son estat, en sa commission.
Thresor de la langue françoyse. Jean Nicot.